La rénovation énergétique performante du parc résidentiel est une composante essentielle des plans d’action des gouvernements successifs pour espérer atteindre les objectifs de la stratégie nationale bas carbone (SNBC). Or cela suppose pour les propriétaires individuels de dépasser un certain nombre de barrières financières, organisationnelles, voire psychologiques. Les Sociétés de Tiers-Financement (STF) ont été créées pour réduire ces complexités rencontrées pour chaque projet de rénovation et être un agrégateur de référence pour les autres acteurs, à l’échelle de régions et de métropoles.

Les STF ont démontré la pertinence de leur offre pour répondre aux attentes des ménages, elles doivent encore renforcer leur modèle économique et pour cela, convaincre les pouvoirs publics d’orienter tous les leviers réglementaires et incitatifs en faveur des rénovations énergétiques performantes, au lieu d’éparpiller les subventions sur des gestes de rénovation ponctuels dont l’impact énergétique est très faible.

Les STF : une offre de services et de financement intégrée, qui répond aux besoins d’accompagnement, de financement et de simplification exprimés par les ménages)

La définition des projets de rénovations     , la      caractérisation      de l’offre de travaux,      notamment      en matière de gage de qualité, ainsi que      la complexité des aides et de l’accès au service public d’information et d’accompagnement,      sont autant de facteurs      limitants identifiés dans le développement du marché des rénovations performantes. À ces obstacles s’ajoute la question du financement qui bloque souvent les ménages malgré leur motivation.    

Ces défaillances de marché expliquent la création du statut de « sociétés de tiers-financement de la rénovation énergétique » dans la loi ALUR en 2014, renforcé par la loi de transition écologique pour une croissance verte en 2015. Ces entités doivent proposer un accompagnement global pour les particuliers et copropriétés dans leur projet, auquel est intégré le financement des travaux.     

Les six sociétés de tiers-financement, créées à l’initiative de conseils régionaux et d’une métropole     , proposent ainsi une offre de service standardisée, adaptée aux spécificités locales et structurée en plusieurs étapes :

  • Une visite du logement avant la rénovation et la réalisation d’un audit énergétique,
  • La présentation d’un projet de rénovation énergétique incluant plusieurs scenarios de travaux,
  • La proposition d’un plan de financement adapté au projet de rénovation,
  • La coordination du processus de rénovation,
  • La préparation d’un plan de financement pour faciliter les demandes de prêts bancaires, ou une proposition de financement direct abordable, grâce à une durée de remboursement pouvant aller jusqu’à 25 ans afin de limiter le montant des mensualités, et la prise en compte des économies d’énergies pour évaluer la capacité de remboursement,
  • Le suivi de la consommation d’énergie après l’achèvement du projet de rénovation afin de vérifier que les objectifs ont été atteints.

L’organisation des STF vise ainsi à réaliser un accompagnement attentif, apporter des réponses individualisées pour s’adapter aux singularités des ménages et de leur logement.

Des solutions financières adaptées à la rénovation énergétique pour tous

L’offre de prêt bancaire standard n’est pas adaptée, ni en durée, ni en montant au financement de la rénovation énergétique performante dont le coût varie de 30 000 à plus de 60 000 €. En effet, les prêts à la consommation proposés pour financer les travaux dépassent rarement une durée de 7 à 10 ans, tandis que l’offre de crédits immobiliers n’est vraiment mobilisable qu’en cas de travaux au moment de l’achat.

De plus la gestion administrative, incluant le contrôle des dépenses éligibles aux aides est redoutable de complexité tant pour le propriétaire que pour le banquier.

Pourtant, la taxonomie instaurée par l’Union européenne, visant à classifier les activités économiques ayant un impact favorable et durable sur l’environnement, ainsi que l’émergence de nouveaux indicateurs de performance comme le Green Asset Ratio (applicable dès 2022), permettant de mesurer l’implication des banques dans le financement d’actifs compatibles avec la taxonomie, obligent ces dernières à une production renforcée de « crédits verts », et donc à un contrôle renforcé de la conformité de ces crédits.

Pour cela, les banques devront investir massivement dans leurs procédures et outils informatiques pour assurer la nécessaire gestion d’un volume important de données, et dans le même temps, développer une approche plus individualisée et moins industrielle de leur clientèle et de ses besoins. Cela prendra du temps à mettre en place, e     t l     e modèle d’accompagnement des STF,      peut constituer un point d’appui pour cette nécessaire évolution     .     

L’ingénierie financière des STF est très simplificatrice pour favoriser le passage à l’action des propriétaires : les flux financiers sont assurés par les STF jusqu’à la fin des travaux et la réception des subventions ; le ménage rembourse ensuite son crédit en une mensualité unique, qui se rapproche des économies réalisées, simplifiant ainsi drastiquement sa gestion budgétaire. Les STF parviennent ainsi à proposer une offre de financement pour tous, y compris à des ménages qui ont difficilement accès au financement bancaire standard.

Rénover son logement, une action rentable ?
La question de rentabilité d’une rénovation est également problématique car la façon de la mesurer n’est pas communément explicitée. Les bénéfices apportés par la rénovation sont souvent réduits aux économies d’énergie, alors que ceux-ci sont entrepris aussi et même avant tout, pour remédier à l’usure du bâti.

Rénover sa maison ou son immeuble est un investissement qui confère aux habitants des avantages immédiats en termes de bien-être et de confort, et finalement      les particuliers qui souhaitent entreprendre des travaux en vue d’améliorer leur qualité de vie, se demandent davantage s’ils ont les moyens de financer ces travaux, plutôt que s’ils sont « rentables ». Le plan de financement doit donc démontrer que l’investissement est à la fois pertinent et abordable.                              

Par ailleurs, la rénovation constitue une opportunité pour les ménages de valoriser leur bien immobilier : les écarts constatés entre les meilleures (A&B) et les pires (F&G) étiquettes énergétiques créent un différentiel de valeur immobilière (appelé « valeur verte »), variable selon les régions mais qui peut atteindre 30%.

Une contribution publique : un prérequis du modèle économique des sociétés de tiers-financement

La loi climat et résilience d’août 2021 prévoit le renforcement du service public de la performance énergétique de l’habitat, sous la forme d’un accompagnement qui conditionne la délivrance des primes et subventions aux rénovations énergétiques.

Tout comme les conseillers France Rénov’, les STF passent un temps conséquent à informer et convaincre les particuliers, mais cet accompagnement, essentiel, n’est pas facturé aux ménages à hauteur de ce qu’il coûte.

Les STF comptent donc sur le co-financement de ces prestations, tel que réalisé dans le programme du « Service d’Accompagnement à la Rénovation Energétique », coordonné par l’ADEME et financé par des Certificats d’Economie d’Energie, qui apporte un complément de rémunération de 600 à 1 500 € par projet de rénovation performante accompagné.

Un contexte réglementaire incitatif

La loi climat et résilience prévoit également l’interdiction progressive de location des logements d’étiquette énergétique E, F et G.

La menace d’éviction d’un grand nombre de logement du marché locatif, alliée à la fiabilisation du DPE – obligatoire et rendu opposable par les acheteurs et locataire – qui donne plus de transparence sur l’état réel des biens sur le marché, vont créer une onde de choc importante : le statut de passoire énergétique (logements F ou G) impactera les valeurs d’actifs financés ou pris en garantie par les banques. La « valeur verte » créée par la rénovation énergétique des logements devrait donc devenir un critère essentiel pour mesurer la valeur des portefeuilles de créances portés par les banques et les assureurs.

Vers une structuration croissante du réseau des sociétés de tiers-financement

Les derniers chiffres de l’activité des STF sur 2021, montrent l’efficacité du modèle pour engager des rénovations performantes :

  • 8 800 audits énergétiques ou études de conception,
  • 1 200 rénovations performantes de logements,
  • 45,5 millions € de travaux engagés,
  • 18,3 Mwhef d’économies d’énergie moyenne attendues pour les logements individuels, et 7,7 Mwhef pour les logements collectifs.

Pour développer leur action plus rapidement, quatre STF (ARTEE, Hauts-de-France Pass Rénovation, Ile-de-France Energies, Oktave) se sont regroupées au sein du projet européen ORFEE, coordonné par Energies Demain avec la participation d’Effinergie, Energy Cities, GNE Finance, Latournerie Wolfrom Avocats, Marsh et Pouget Consultants. Ce projet de 4 ans vise à standardiser leurs méthodes, à optimiser leurs ressources financières, à coordonner et partager leurs ressources et leurs investissements et à permettre l’émergence d’une garantie assurantielle sur la qualité des travaux réalisés.

Grâce au projet ORFEE, l’ensemble des STF, rejointes par Énergies Demain, Pouget Consultants et Effinergie ont décidé en décembre 2021 la création d’une association, SERAFIN, dont les objectifs sont :

  • Déployer et diffuser le modèle des sociétés de tiers-financement ;
  • Créer un espace d’échange privilégié entre les différents acteurs de la rénovation énergétique ;
  • Constituer un portefeuille d’outils et de méthodologies communs ;
  • Contribuer au pilotage et à l’optimisation des sources de financement des projets de rénovation.

Cette association sera donc un vecteur de diffusion du modèle des sociétés de tiers-financement et de leur représentation à l’échelle nationale et européenne, où elles font figure de référence pour les Services Intégrés de Rénovation Energétique, l’un des dispositifs-clé prévus dans la révision de la directive européenne pour l’efficacité énergétique des bâtiments.

Un article signé Françoise Réfabert, directrice générale d’Énergies Demain, Raphaël Claustre, directeur d’Ile-de-France Energies, Matthieu Flahaut, directeur des opérations d’Oktave, ainsi que Sébastien Descours, Marie Pourchot et Lola Dornier (Énergies Demain