Une vingtaine d’acteurs associatifs de l’environnement, du logement, de la solidarité, de la consommation, et d’acteurs économiques du bâtiment s’inquiètent, dans une tribune au « Monde », du « stop and go » du gouvernement, concernant la rénovation énergétique des bâtiments.

La France compte 12 millions de personnes en situation de précarité énergétique. Les mauvaises performances thermiques des logements et la vétusté des équipements de chauffage gonflent leurs factures. Qu’elles renoncent à les payer ou se privent pour en limiter le montant, cette réalité quotidienne des plus modestes est intolérable.

Nous, acteurs associatifs de l’environnement, du logement, de la solidarité, de la consommation et acteurs économiques du bâtiment, souhaitons vous partager nos profondes inquiétudes suite aux dernières annonces de votre Gouvernement touchant la rénovation énergétique des bâtiments.

Ces mauvaises performances thermiques ont une autre conséquence : les émissions directes du secteur du bâtiment représentent aujourd’hui 18 % des émissions nationales de gaz à effet de serre, et ce secteur est responsable de plus de 40 % de la consommation énergétique annuelle totale en France.

Avec un tel contexte, aggravé par la hausse des prix de l’énergie, mettre en œuvre un vaste chantier national d’amélioration de la performance énergétique du bâti relevait de l’urgence. Lancé en janvier 2020, le dispositif MaPrimeRenov’, piloté par l’Anah, est le principal mécanisme d’aides du secteur. En 2023, il a permis de réaliser 670 000 actions de rénovation énergétique  parmi lesquelles 70 000 rénovations globales. Elles représentaient un budget de 2,7 milliards d’euros d’aides. En cohérence avec l’objectif de réaliser 200 000 rénovations globales cette année, une hausse conséquente de MaPrimeRénov’ de 1,6 milliard d’euros avait été actée dans le budget 2024 adopté fin 2023. Cette enveloppe entérinait la réforme ambitieuse du dispositif voulue par le Gouvernement d’Elisabeth Borne et construite avec les acteurs du secteur, comprenant notamment un recours renforcé à l’accompagnement via MonAccompagnateurRénov’.

À peine mise en œuvre, la réforme décidée fin 2023 est déjà menacée !

Or le 15 février dernier, Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, et Guillaume Kasbarian, ministre délégué chargé du Logement, ont rencontré les représentants de la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB) et de la Fédération française du bâtiment (FFB), demandeurs d’une simplification du parcours de rénovation des logements. Ensemble ils se sont mis d’accord sur trois évolutions à porter pour 2024 : limiter les obligations de recourir à un accompagnateur agréé seulement aux subventions les plus élevées ; simplifier le label « reconnu garant de l’environnement » (RGE), notamment pour les petites et moyennes entreprises ; lever les restrictions de financement concernant les gestes de rénovations simples et efficaces. 

De surcroît, le 19 février, après une révision de la prévision de croissance française à la baisse pour 2024, Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances,  a annoncé de son côté un plan d’économies immédiates de 10 milliards d’euros sur le budget 2024. Avec une réduction de 10 %, l’écologie est la plus affectée, impactant directement l’enveloppe de la rénovation énergétique. Le budget de MaPrimeRénov’ devait passer de 2,7 milliards d’euros en 2023 à 4 milliards en 2024. Finalement, il ne dépassera pas les 3 milliards.

Il faut ajouter que le ministre de la Transition écologique a récemment fait part de sa volonté de modifier le calcul du DPE (diagnostic de performance énergétique) pour les logements de moins de 40 m2. En l’état, l’arrêté proposé permet de diminuer le nombre de passoires thermiques, sans que la performance énergétique de ces logements ne soit améliorée. Cette réponse n’est pas adaptée. Car ce changement purement théorique ne bénéficiera pas aux ménages précaires qui occuperont ces logements toujours énergivores et occasionnera d’autres sorties de passoires sans qu’elles aient été rénovées, au plus grand préjudice des occupants.

Un « stop & go » incompréhensible

En quelques jours, votre Gouvernement a signifié que la rénovation énergétique performante des bâtiments est bien loin d’être une de ses priorités. Nous avons été pleinement impliqués dans la construction de cette réforme favorable à la rénovation performante des logements aux côtés des pouvoirs publics. Nous sommes toujours disposés à le faire, notamment dans le cadre du comité de suivi de cette réforme. 

Imposer ce « stop & go » et ne pas donner sa chance à la réforme ne peut que nuire à la structuration d’une filière qui a besoin d’un minimum de temps pour devenir pérenne et efficace.

Négliger l’accompagnement qui est l’une des clés du dispositif, ou le réserver seulement aux ménages modestes et très modestes, nous apparaît comme une erreur et même un risque. La rénovation énergétique est un sujet technique complexe. Les ménages, et pas seulement les plus précaires, ont  besoin de conseils pour passer à l’acte et se sentir en confiance alors que les fraudes sont nombreuses. 

Interdire l’installation d’un nouveau système de chauffage (y compris les pompes à chaleur)  dans une passoire thermique est indispensable. Privilégier les mono-gestes au détriment de la rénovation globale est d’évidence une mauvaise voie. En l’occurrence, rattacher les passoires thermiques au parcours mono-gestes constituerait un vrai recul. Enfin, la simplification du label RGE ne doit pas se faire au détriment de la performance et de la qualité des travaux.

Ensemble, nous appelons à une politique publique durable pour accélérer la rénovation énergétique performante des logements ! 

Monsieur le Premier ministre, nous vous appelons à prendre la pleine mesure des enjeux économiques, environnementaux et sociaux de la mise en place d’une filière de la rénovation performante, et surtout à conduire une politique publique stable, pour que la filière qui porte la rénovation continue de s’organiser, de monter en puissance et obtienne ainsi des résultats. 

« L’écologie à la française » prônée par le président de la République doit se concrétiser par des rénovations de qualité pour tous les ménages. Afin d’y parvenir, elle doit s’appuyer sur nos entreprises, qu’il convient de soutenir sur l’ensemble de nos territoires.

Signataires : 
  • Jean-Louis Bal – Président – Agir pour le Climat
  • Gilles Vincent – Président – Association Amorce 
  • Philippe Boussemart – Président – Association Mur manteau 
  • Hélène Gassin – Présidente -Association négaWatt
  • Alice Morcrette – Présidente – Association Serafin
  • Camille Defard – Cheffe du Centre Energie Jacques Delors
  • Christian Cardonnel – Consultant – Christian CARDONNEL Consultants
  • Delphine Mugnier – Co-Présidente – CLER-Réseau pour la transition énergétique 
  • Jean- Charles Colas-Roy – Président – Coénove 
  • Vincent Legrand – Président de Dorémi et Gérant de l’Institut négaWatt
  • Stéphanie Modde et Florent Lacarrere – Co-Présidents – Effinergie
  • Thierry Rieser – Gérant – Enertech 
  • Frédéric Corset – Directeur – EnvirobatBDM 
  • Christophe Robert – Délégué Général – Fondation Abbé Pierre
  • Antoine Gatet – Président – France Nature Environnement 
  • Elise Naccarato – Responsable plaidoyer Climat – Oxfam France
  • Danyel Dubreuil – Coordinateur – Rénovons
  • Morgane Creach – Directrice générale – Réseau Action Climat
  • Véronique Devise – Présidente – Secours catholique
  • Marie-Amandine Stévenin – Présidente – UFC-Que Choisir