Le 21 septembre 2023, à la veille des annonces par Emmanuel Macron des grandes axes d’une planification écologique qui doit permettre à notre pays de réduire de 55 % ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030, un collectif d’acteurs engagés pour la rénovation énergétique performante, dont Effinergie, a adressé une lettre ouverte au Président de la République concernant les enjeux de la transformation énergétique du parc des logements français. Cette lettre ouverte a été publiée le 22 septembre par Les Echos.
Le 21 septembre 2023,
Monsieur le Président de la République,
Vous annoncerez lundi 25 septembre les grands axes d’une planification écologique qui doit permettre à la France de réduire de 55 % ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 et d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Ces objectifs impliquent une diminution très importante de notre consommation d’énergie. Le bâtiment est – de loin – le secteur le plus consommateur (45 % de l’énergie finale). Le chauffage représente le premier poste de consommation dans nos logements. La réussite de notre politique de rénovation énergétique est primordiale.
Dans le cadre du Conseil national de la refondation « logement », la Première ministre a annoncé en juin l’objectif de 200 000 rénovations d’ « ampleur » en 2024. 900 000 rénovations « ambitieuses » sont prévues en 2030. Que recouvrent ces adjectifs ? La loi Climat et Résilience définit les rénovations « performantes », qui permettent d’emmener un Bâtiment à un niveau de basse consommation (BBC). Ce sont ces rénovations dont la massification constitue un passage obligé dans tous les scénarios prospectifs.
Une politique fondée sur le seul Diagnostic de performance énergétique (DPE), sans garde-fous, qui ne viserait qu’un saut d’au moins deux étiquettes DPE, est vouée à l’échec. Cette politique ne sera pas au niveau de performance nécessaire pour boucler nos objectifs de décarbonation et ne permettra pas de les atteindre à terme (il faudra reprendre les travaux par la suite). Elle laissera la porte grande ouverte aux fraudes sur les calculs et à la mauvaise qualité des travaux et ne réalisera pas les économies d’énergie qu’elle prétendra avoir obtenues.
Le DPE – à supposer qu’il soit bien renseigné, ce qui est rarement le cas – ne donne qu’une indication relative sur la performance énergétique d’un logement. Il ne dit rien de sa performance réelle, ni de la réalité des économies d’énergie obtenues après travaux. Par ailleurs, cet outil n’est pas conçu pour préconiser les travaux adéquats. En fondant une politique publique sur le seul saut de classes DPE, nous ne réduirons pas la consommation d’énergie des logements, nous ne combattrons pas le réchauffement climatique et nous ne protégerons pas des millions de ménages contre la précarité énergétique.
En lieu et place d’une approche fondée uniquement sur des sauts de classe, incertaine et incompatible avec notre objectif de performance finale, nous proposons une approche reposant sur des exigences verrouillées qui garantissent la réalité de la baisse des consommations d’énergie et l’atteinte du niveau BBC (parcours de rénovation balisés, niveaux de performance par postes, suivi qualité). C’est sur cet étalon que notre système d’aides à la rénovation doit être fondé. Des propositions ont été faites en ce sens, que le SGPE avait retenues, mais que Bercy semble avoir écartées. Une politique qui viserait des « rénovations » moins qualitatives permettrait certes d’atteindre plus facilement les objectifs chiffrés annoncés, mais perpétuerait le mauvais usage de nos dépenses publiques en matière de rénovation.
Nous connaissons depuis longtemps la méthode à appliquer pour mener à bien le chantier capital de la transformation énergétique de notre parc de logements. C’est un chantier complexe et titanesque, mais extrêmement vertueux. Après 15 ans d’atermoiements, et alors que nous nous engageons dans la planification écologique, nous ne pouvons plus nous permettre de retarder encore sa mise en œuvre. Nous n’avons plus le temps !
Signataires :
- William Aucant, ancien membre de la Convention citoyenne pour le climat
- Jean-Louis Bal, président d’Agir pour le climat
- Arthur Brac de la Perrière, directeur général de Dorémi
- Christian Cardonnel, consultant
- Lucas Chabalier, coordinateur de la coalition Unlock France
- Jean-Charles Colas-Roy, président de Coenove
- Yann Dervyn, consultant en bâtiment durable
- Manuel Domergue, directeur des études de la Fondation Abbé Pierre
- Danyel Dubreuil, coordinateur de l’initiative Rénovons
- Jean Jouzel, climatologue
- Hélène Gassin, présidente de l’association négaWatt
- Antoine Gatet, président de France Nature Environnement
- Béatrice Guillemont, directrice générale du syndicat Symbiote
- Michel Jarleton, vice-président de l’UNSFA
- Wojtek Kalinowski, co-directeur de l’Institut Veblen
- Florent Lacarrère, co-président du collectif Effinergie
- Philippe Laurent, maire de Sceaux
- Vincent Legrand, gérant de l’institut négaWatt
- Stéphanie Modde, co-présidente du collectif Effinergie
- Delphine Mugnier, co-présidente du CLER- Réseau pour la transition énergétique
- Florence Presson, représentante de l’Association des maires de France au Conseil national de la transition écologique
- Françoise Réfabert, co-dirigeante d’Energies Demain (Energies Demain, secrétaire du Réseau SERAFIN)
- Olivier Servant, porte-parole du collectif Isolons la Terre contre le CO2
- Olivier Sidler, expert en énergétique
En savoir plus :
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